Quand épanouissement individuel rime avec efficacité.
Je suis en train de lire un livre qui me passionne : « Dette – 5000 ans d’histoire », de David Graeber. C’est une réflexion enrichissante sur la notion de dette, son apparition, l’apparition de la monnaie, et beaucoup d’autres choses qui sont actuellement au cœur de l’actualité.
Je crois que les dynamiques humaines ne changent pas beaucoup, et que les processus qui se sont déroulés autrefois peuvent se dérouler tout aussi bien aujourd’hui, pour peu que le contexte soit similaire. Je tente donc des parallèles qui, s’ils ne prétendent pas expliquer la réalité d’aujourd’hui, ont le mérite d’élargir ma compréhension et d’éclairer les situations sous un jour auquel je n’avais pas pensé. C’est intéressant !
Graeber explique que la « dette » est très ancienne, et qu’elle pré-existe à la monnaie. Elle serait même une des bases des relations sociales. A l’origine, recevoir un cadeau crée une dette de celui qui le reçoit vis à vis de celui qui donne le cadeau. Face à sa dette, un individu n’a guère d’autre possibilité que de :
- soit la rembourser, par un « cadeau » équivalent à celui qu’il a reçu et qui a créé la dette,
- soit reconnaître qu’il est dans l’impossibilité de rembourser par un cadeau équivalent, et dans ce cas se mettre en position d’infériorité, voire de dépendance vis à vis de son créancier.
Les systèmes humains se sont progressivement complexifiés, et la « dette » a pris de plus en plus de poids dans la vie sociale. Créant ainsi des tensions entre les riches et les pauvres, ces derniers se trouvant régulièrement en position de dépendance, parfois d’esclavage, et en permanence soumis au risque de cette dépendance. Tensions qui se cristallisaient parfois en « crises de la dette », où les pauvres entraient en conflit avec leurs créanciers.
Pour résoudre ces tensions, certains états effaçaient régulièrement les dettes par décret. Dans d’autres états au contraire le conflit s’envenimait, et pouvait se résoudre dans la violence.
Je cite Graeber :
« Pour résumer, on pourrait dire que ces conflits autour de la dette avaient deux issues possible. La première était la victoire des aristocrates, auquel cas les pauvres restaient « les esclaves des riches » – ce qui, dans la pratique, voulait dire que la plupart des gens finissaient par devenir les clients d’un patron fortuné. Ce type d’État était en général militairement inefficace. Dans la seconde issue possible, les factions populaires l’emportaient et appliquaient leur programme habituel de redistribution des terres et de protection contre le péonage : elles créaient ainsi les bases d’une classe de paysans libres dont les enfants pourraient sans problème passer une grande partie de leur temps à s’entraîner pour la guerre. »
La remarque attire toute mon attention : les états qui favorisaient la victoire des riches, des aristocrates, étaient militairement inefficaces, alors que ceux qui favorisaient les pauvres, en leur donnant de la liberté et les conditions de plus d’épanouissement, étaient militairement efficaces dans un monde en guerre quasi permanente.
Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec les entreprises, si souvent marquées par une hiérarchie forte, où les dirigeants décident et imposent, face à une « base » qui exécute et n’a souvent qu’un droit, celui d’obéir. Les quelques unes qui prennent le risque de donner de la liberté à leur « base » et favorisent son épanouissement sont souvent, le phénomène est bien connu, celles qui réussissent le mieux, celles qui sont « militairement efficaces ».
A méditer.
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Voilà que le coquelicot fait l’éloge de la violence et de la guerre. La réflexion,rapportée à l’entreprise, est intéressante mais je préfère que mes débiteurs me paient.