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J’écoutais récemment une présentation d’Idriss Aberkane, sur le bio-mimétisme, devant les membres du Conseil Economique et Social. Il m’a rappelé quelque chose d’évident.

Idriss Aberkane est une référence : il est professeur à Centrale-Supélec, chercheur à Polytechnique, chercheur affilié à Stanford et Ambassadeur de l’Unitwin/unesco pour la section « Systèmes Complexes » ! Une tête, comme on dit parfois. Et très certainement quelqu’un qui mérite qu’on prenne au sérieux ce qu’il dit.

Faisant sa présentation sur le bio-mimétisme, il propose cette vision que les idées passent par 3 stades : ridicule, dangereux, évident.

Au début une idée nouvelle semble ridicule. Comment, la terre tourne autour du soleil ? C’est ridicule ! Que les femmes votent ? Ça n’a pas de sens… Qu’une entreprise puisse valoir un milliard de dollars 2 ans après sa création ? Soyons sérieux ! Seulement voilà, arrive un moment où l’idée se renforce, elle émerge, et elle commence à prendre force. Et nécessairement elle remet en cause certaines habitudes, et certains pouvoirs. Elle est devenue dangereuse. Alors pas de sentiment, il faut la tuer à tout prix. On fait des procès et on emprisonne, on s’insurge et on envoie la police, ou on assiste sidéré à l’inimaginable.

Puis au bout du compte l’idée s’impose, ce qui était ridicule est devenu évident. Qui aujourd’hui remettrait en cause la rotation de la terre autour du soleil ? Et au fait, que retient-on du parcours de l’évidence ? On se souvient de Gallilée, mais qui se souvient d’Urbain VIII ? Et d’Edmond Lefèvre du Preÿ* ? Quand l’idée s’est imposée, que c’est devenu évident, ceux qui la jugeaient ridicule ou qui s’y opposaient se retrouvent laissés pour compte…

Il y a peu, l’idée de responsabiliser les collaborateurs était ridicule. Je me souviens de formations sur la gestion de projet où il était ridicule de laisser les chefs de projets qui faisaient des gains de productivité disposer de ces gains, au moins en partie. Et de ces projets où tout travail devait être systématiquement vérifié par une autre personne, parce que c’est plus sur. Ne pas faire vérifier aurait été ridicule. Ou encore de ces réunions où le chef de projet n’a le droit que de se taire, parce que justement il n’est que chef de projet. Ce sont les dirigeants, et les cadres hauts placés dans la hiérarchie, qui savent. Il est ridicule d’imaginer que les « subalternes » puissent avoir des idées intéressante. Et j’ai personnellement été licencié d’une grande entreprise pour avoir osé affirmer le contraire.

Sauf que… ! Sauf que les subalternes connaissent souvent mieux le terrain que les dirigeants, et la réalité de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Ce sont le plus souvent eux qui innovent, parce qu’ils s’investissent et veulent améliorer les choses. Et ce sont les candides qui portent un regard neuf sur l’existant !

Il est grand temps d’écouter les équipes de terrain, de les valoriser, de les reconnaître, de leur donner du pouvoir, et de profiter de leurs talents. Les entreprises qui le font sont, à ma connaissance, parmi celles qui marchent le mieux ! Alors ? Confier des responsabilités réelles aux collaborateurs ? Se préoccuper de leur développement personnel et professionnel ? Les valoriser et les écouter ? S ‘effacer devant eux et les laisser décider de ce qui convient le mieux à l’entreprise ? Ridicule ? Dangereux ? Evident ?

*« Quand vous aurez accordé à la femme des droits politiques […] vous aurez introduit dans la famille les querelles, les dissensions et le désordre, vous aurez détruit l’unité familiale. » – Edmond Lefèvre du Preÿ, député, cité par Le Figaro du 16 mai 1919

 

Le changement nécessite de mobiliser ses ressources, et parfois de lever ses limites.
Se faire accompagner peut-être un accélérateur précieux.
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