Quand on s’imagine que le contrôle permet de progresser…

Mon ami Philippe est responsable commercial chez un fabricant de papiers peints. En charge de l’animation d’une dizaine de commerciaux, il aime son travail, qu’il essaye de mener – dit-il – avec intelligence : à ses yeux, le résultat compte plus que les moyens, il s’investit énormément quand nécessaire, travaillant parfois tard le soir, et s’accordant du temps libre en contre partie quand le travail le permet. Du moins, c’est ce qu’il faisait jusqu’à ce que « tombe » une directive des RH : la discipline se relâche, et il est nécessaire de veiller au strict respect des horaires !

Le patron de Philippe commence donc à surveiller les horaires, à contrôler les heures d’arrivée le matin et les heures de départ le soir, et à inviter « fermement » les personnes non respectueuses des horaires à les respecter.

Contrôle - Copyright : konradbak / 123RF Banque d'images

Il réussit assez rapidement à rétablir la discipline, les gens arrivant maintenant à l’heure, 9 heures au plus tard au lieu de l’étalement passé (jusqu’à 10 heures)… et partent à l’heure : à 18 heures 10 les bureaux sont vides ! Ceux qui restaient pour terminer un travail s’en vont à l’heure, et plus question de nocturnes. « Pourquoi faire plus que les heures quand on ne me fait pas confiance, qu’on me pénalise quand j’arrive en retard et qu’on ne reconnaît pas mon investissement ni la qualité de mon travail ? Je laisse tomber, qu’ils se débrouillent !»

Le résultat ? Vous le devinez. La productivité baisse, et surtout les gens se désinvestissent, râlent, et rentrent en résistance passive. Le pire qui puisse arriver ! A vouloir trop contrôler, la DRH a obtenu l’inverse de ce qu’elle prétendait obtenir, à savoir une meilleure productivité.

Les exemples de contrôles contre productifs sont légion :

Que dire des reporting interminables, qui consomment un temps fou, dont tout le monde s’accorde à penser qu’ils ne servent à rien, mais que l’on produit consciencieusement pour faire plaisir au chef (qui, lui, veut être irréprochable sur la qualité de son reporting) ?
J’ai plus d’une fois constaté que l’énergie consacrée au reporting a fait perdre des affaires. Business first ? Non, reporting first ! Et tant pis pour le business.

Que dire du contrôle des process ? les process sont souvent utiles, mais leur rigidité est tout aussi souvent pénalisante. Malheureusement, et avec beaucoup de bonnes intentions, on se focalise beaucoup trop souvent sur leur stricte application – et le contrôle de leur stricte application – que sur l’efficacité qu’ils sont sensés créer. Avec à la clé des tensions, des pertes de temps, d’efficacité, et parfois de contrats !

Vous l’aurez compris, je crois que les contrôles sont le plus souvent contre productifs. Que ce soit en entreprise, en famille ou avec les amis. A vouloir contrôler, on tue le plus souvent ce qu’on voulait contrôler.

Pourtant – et j’en suis d’accord – il est bon de savoir où on va, et où on en est. Et c’est justement là que le bas blesse : le plus souvent, les gens ne cherchent pas à savoir où on va, ni où on en est, mais comment on y va. Oubliant au passage, d’ailleurs, le « où on va », c’est à dire l’objectif. Dit autrement, on contrôle les moyens, pas l’objectif.

On contrôle le temps de travail, mais pas le travail fourni. On contrôle les indicateurs de production, mais pas le taux de réussite, ou on contrôle l’application des process, sans ce soucier de ce qu’ils sont sensés permettre.

A mes yeux, il y a deux règles importantes à respecter :

  • Évaluer les résultats, mais pas contrôler les moyens.
  • Faire en sorte que l’évaluation soit suffisamment légère pour ne pas tuer la tâche !

Vouloir contrôler est une illusion. Dans le meilleur des cas les gens se soumettent en abandonnant toute intelligence, dans le pire ils entrent en résistance passive.

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