Partager le pouvoir

Où l’on voit que trop de pouvoir tue le pouvoir, que partager le pouvoir s’avère payant, et que protéger son propre pouvoir est contre-productif.

L’entreprise S. Inc. avait décidé d’améliorer sa position sur un marché très spécifique, et avait pour cela renouvelé les équipes en menant une campagne de recrutement importante. Objectifs : monter en expertise, augmenter sa présence et améliorer son image sur ce marché. Action : recruter 5 collaborateurs parmi les experts reconnus sur la place de Paris. S. Inc. avait investi des sommes importantes, recrutant les meilleurs et leur offrant des rémunérations séduisantes. Les équipes avaient été renouvelées de manière significative. Elle attendait donc, et c’est naturel, un retour sur son investissement à travers l’expertise et l’implication des ces 5 nouveaux collaborateurs.

La nouvelle équipe s’est en effet investie, et a remporté des succès importants, laissant présager la réussite de l’opération de repositionnement. Elle a aussi, durant une première année, appris à mieux connaître S. Inc., identifié forces et faiblesses, et s’est fait une idée de ce qui serait de nature à améliorer encore le succès.

En fin d’année, période de préparation de l’année suivante, et en particulier de l’organisation, la nouvelle équipe a donc réfléchi à des propositions, de manière collective, a monté un projet d’organisation, et l’a proposée au pouvoir en place, à savoir au Directeur de Département. Dans un premier temps, celui-ci a fait un bon accueil à la proposition, a présenté son propre projet, et a conclu en promettant d’y réfléchir et de faire une synthèse de ce qu’il y avait de meilleur dans les deux projets.

Un mois plus tard, l’organisation pour la nouvelle année était annoncée, elle ne prenait pas en compte les propositions qu’avait faite l’équipe. Mieux, l’annonce a été suivie de la mise en place d’un nouveau mode de reporting, fortement contesté par les collaborateurs, mais imposée avec brutalité. Le pouvoir en place s’affirmait. Il affirmait surtout qu’il n’acceptait pas d’être mis en cause, et qu’il ne partagerait pas ses prérogatives. Circulez…

Dans les 6 mois qui ont suivi cette affirmation de pouvoir, parmi 5 collaborateurs recrutés, un avait démissionné, 2 avaient demandé à être mutés dans d’autres département, 1 avait décidé de faire une pause dans sa carrière et de privilégier un projet jusque là retardé : faire un enfant. Le pouvoir était préservé, et l’équipe était dispersée. Aujourd’hui, le département a été dissous, et le marché visé abandonné.

Je voudrais comparer cette histoire avec celle de ce projet en difficulté, que j’ai vu dans une autre vie. Le projet en question perdait beaucoup d’argent, et surtout on n’en voyait pas la fin, avec des difficultés qui allaient croissant avec le client. On change le chef de projet et le nouveau CP décide de confier le pouvoir à l’équipe en la responsabilisant sur les solutions de sortie de crise. Il admet ne pas connaître tous les tenant et aboutissants de l’affaire, et décide de confier son pouvoir à ses collaborateurs. En 3 mois, le projet est redressé, et devient plus tard une référence.

Certes, il est flatteur de disposer du pouvoir, et de ses attributs. C’est humainement tentant. Mais il est souvent plus efficace de le partager avec les bonnes personnes que de se le garder pour soi au risque de frustrer les collaborateurs performants, de les pousser à se désinvestir, voire, plus méchant encore, de les laisser regarder sans réagir ses propres erreurs.

 

Réflexions (1)
Réflexions (2)
Le changement nécessite de mobiliser ses ressources, et parfois de lever ses limites.
Se faire accompagner peut-être un accélérateur précieux.